BRICO RARE ou la résurrection du papier

Bien que le titre sonne comme un air de Pâques, tu n’auras pas à faire une chasse aux œufs pour comprendre de quoi il s’agit. Quand on parle de papier mâché, beaucoup pensent papier, bouche, salive alors qu’il n’en est rien. Boris LANGUIE, mon interlocuteur, nage en plein dedans et fait des objets tous aussi beaux les uns que les autres. La prochaine fois que vous jouerez à faire des paniers de basket avec le papier froissé et votre poubelle de bureau, j’espère qu’il vous viendra à l’esprit Brico RARE. Mais avant, découvrez de quoi il s’agit.
null Boris LANGUE, à la recherche du salut, tu as trouvé le papier mâché, c’est bien ça?
(Rires)… Chaque dimanche dans mon église, il nous était remis des feuillets de messe sur lesquels sont inscrits les chants et lectures de la messe du jour. Un jour, alors que je participais à une séance de nettoyage, j’ai remarqué qu’il y avait une énorme pile de papier dans la sacristie. Cela ne m’a fait pas fait tilt tout d’un coup. c’est le jour suivant quand j’y suis retourné que j’ai remarqué la disparition de la pile. J’ai alors posé la question au curé qui m’a dit que les papiers avaient été brûlés. Cela m’avait attristé par rapport à la planète alors j’ai commencé par faire des recherches sur comment recycler le papier. Au fur et à mesure que mes recherches avançaient, je faisais des essais (j’avoue que j’ai foiré au tout début car soit je manquais l’étape de séchage, soit j’utilisais de la peinture non adaptée). A force de forger, je suis devenu forgeron et j’ai commencé par fabriquer des bols et d’autres objets. C’est en partageant mes réalisations que Palakiyem KONGA, mon collaborateur, m’a contacté pour me rejoindre dans l’aventure, et c’est avec lui que j’ai lancé la page Facebook pour présenter nos objets à beaucoup plus de monde.
Laisse-moi deviner. Brico, c’est pour Bricolage, et RARE parce qu’il n’y a pas beaucoup qui font du papier mâché: c’est bien ça ou je suis complètement à l’ouest?
Tu n’étais pas loin. Effectivement, Brico c’est bien pour le côté bricolage mais RARE c’est un sigle. Réinventons l’Art, Recyclons pour l’Environnement (RARE) et le must c’est que ça sonne bien et que cela reflète la réalité car comme tu l’as dit, je n’en connais pas beaucoup qui font pareil (Je ne demande que ça, tu sais.)
Je suis curieuse de savoir si le public est réceptif, achète les œuvres de cet art réinventé et si ça marche véritablement! L’artiste que tu es vit-il de son art?
Rires… Il faut préciser que Brico Rare n’est pas ma seule et unique activité. Je suis étudiant et j’ai d’autres engagements à côté. Pour en revenir à ta question, aujourd’hui nous avons quand même assez de commandes, puisque c’est comme cela que nous fonctionnons. Le client nous contacte, exprime ses envies, nous lui faisons un devis et s’il est d’accord, nous entamons la création de son œuvre. Nous n’avons pas vraiment de ventes spontanées bien que nous ayons quelques œuvres en stock. J’avoue que nous n’avons pas encore une stratégie bien ficelée pour favoriser cela et nous continuons d’y réfléchir. Il faudrait déjà que j’arrive à me détacher émotionnellement de certaines œuvres pour les mettre en vente sans avoir mal, hihihi…
Oulala, le papa poule de ses œuvres. Il va bien falloir que tu t’en détaches émotionnellement. Je suis sûre que beaucoup se feraient un plaisir d’en acheter. Sinon, aujourd’hui, es-tu fier du chemin parcouru?
La réponse est un gros OUI. En effet, quand je me rappelle mes premières œuvres (malheureusement, j’ai perdu les photos), je me dis que j’ai bien évolué. Aussi, il faut que je précise qu’il y a beaucoup qui ont cru en mon talent dès le départ comme le père d’un ami qui m’a commandé des porte-clés à l’effigie des cartes de différents pays d’Afrique et une dame qui m’a commandé des grottes pour des statues de Marie dans lesquelles j’ai intégré des lumières pour que cela fasse un bel effet, la nuit. Ce sont ces personnes qui, par leur confiance, leurs commandes et recommandations, m’ont emmené à repousser les limites de ma créativité, à avoir davantage confiance en ce que je faisais et à être plus ou moins autonome en matière d’équipements. Je leur en suis très reconnaissant. Outre cela, nous avons fait des ateliers théoriques sur la protection de l’environnement, le recyclage et des ateliers sur le papier mâché avec des écoles, participé à des expositions-ventes ensuite parce qu’ils nous importent d’étendre la chose.
Intéressant tout ça…La source principale de ta matière première, c’est la sacristie de ton église. Aujourd’hui as-tu diversifié ces sources ou cette source satisfait suffisamment vos besoins?
Notre source principale comme tu l’as si bien rappelé, c’est l’église où je vais car ce que j’ai oublié de préciser c’est que les feuillets qui sont remis sont écrit en dix (10) langues, donc c’est une énorme quantité de papier à récupérer. Hormis cette source, il y a des étudiants qui nous remettent leurs polycopiés et épreuves. Nous avons pris attache avec des centres de photocopies chez qui nous récupérions du papier, les épiceries du quartier où nous récupérons les alvéoles d’œufs, le carton dans la rue ou devant les supermarchés car nous l’utilisons pour renforcer certaines œuvres. Néanmoins, puisque nous n’avons pas d’entrepôt pour emmagasiner tout ça, nous freinons la récupération. Aussi, il faut avouer que pour traiter tout ce lot de papier récupéré, il nous faudrait des équipements plus à la pointe que ceux que nous avons à l’heure actuelle. Une chose est sûre, ce n’est pas la matière première qui manque.
Tu m’as parlé d’ateliers de sensibilisation au recyclage. Quel message y passez-vous? Dites-vous aux gens de réduire leur consommation de papier alors que celui-ci constitue votre matière première?
Ah mais quelle colle!! Rires… Nous sommes de ceux qui croient en la philosophie du colibri, c’est-à-dire que chacun fasse sa part, quelle qu’elle soit. Nous passons effectivement ce message lors de nos ateliers car il est important que cela entre dans nos habitudes. Le papier provient des arbres et ne pas freiner sur son utilisation, c’est détruire nos forêts surtout qu’il faut moins de temps pour couper un arbre que ce qu’il lui faut pour grandir. Aussi, je ne pense pas qu’à long terme, nous manquerons de papier pour réaliser nos œuvres car nous avons passé ce message. Je dois préciser d’ailleurs qu’à Brico RARE, nous fonctionnons de sorte à ce qu’un pourcentage de la vente des objets (20%) soit utilisé pour planter des arbres afin de restaurer nos espaces verts et forêts.
Chapeau à vous pour cette politique intérieure! À Brico RARE, quelles sont les perspectives d’avenir?
L’objectif principal à l’heure actuelle, c’est de devenir une boutique physique pour revendre les objets d’art ou du quotidien fabriqués avec des matériaux recyclables, qu’ils soient les nôtres ou d’autres artistes. Outre cela, nous envisageons former assez de gens originaires de divers pays afin d’avoir à la longue des antennes de Brico RARE pour que les œuvres soient accessibles un peu partout et donc de ne pas polluer davantage à cause des livraisons (émissions de gaz à effet de serre, tu connais!).
Ton message écolo pour ceux qui nous lisent pour finir en beauté serait… “Commencez par faire de petites actions quotidiennes pour prendre soin de notre environnement. Elles auront un impact, soyez-en sûrs!”